mardi 29 juillet 2008

Le retour de la correspondance ou un symptôme de l'individualisation postmoderne?

Je demeure fasciné par les possibilités de communication que nous offrent certains logiciels ou serveurs (Messenger, facebook, etc.). Alors que le téléphone avait presque fait disparaître la correspondance désintéressée entre individus, voilà que le Web nous permet de nous écrire, d'ajouter des photos à nos lettres, de nous présenter à plus de 20% de la planète, de flirter avec des inconnu-e-s. Bien entendu, je passe ici sous silence les horreurs qui circulent sur Internet et les crimes commis grâce à tous ces outils. Oui! Bon! D'accord! Mais qui parmi vous n'a jamais fait un coup de téléphone? Et Einstein savait-il qu'on atomiserait des Japonais avec ses découvertes? Le fait de mener à des comportements répréhensibles n'enlève pas à une invention son potentiel d'amélioration de la qualité de vie des humains. Revenons donc si vous le voulez...

L'écrit a donc la possibilité de revenir en force sur le Web. Mais à quel prix? Pour s'adapter aux réalités hyperperformantes de cette technologie, même les plus rapides aux claviers procèdent à des détournements linguistiques afin d'accélérer la communication. Je pense ici à la langue du
« tchat ». Véritable créole cybernétique, plusieurs observent avec dédain ce « charabia ». Même moi. Pourtant, la langue n'est pas monolithique. Quand elle vit, une langue se transforme et s'adapte aux nouvelles réalités. Les autorités en la matière peuvent intervenir, mais au bout du compte, c'est l'usage qui prévaut. Qui utilise le mot « gaminet » parmi vous? Les nouveaux mots créés ne se distinguent pas tous par l'attrait qu'ils exercent. D'autres se démarquent par leur originalité, comme « clavardage » ou « courriel », mais leur implantation demeure incertaine.

Au bout du compte, réjouissons-nous quand même de voir l'écrit s'imposer de nouveau. La correspondance permet un discours réfléchi, construit avec avec des préoccupations formelles pour certains. Même lorsque créolisé, il peut prendre une tournure théâtrale par son rythme. Cette correspondance virtuelle a aussi l'avantage de pouvoir se conserver, ce qui, dans le cas d'auteurs, pourra éventuellement s'étudier. Plusieurs écrivains ont déjà des blogs depuis longtemps (Stéphane Dompierre pour ne nommer que celui-là).

Avec le téléphone, chaque personne pouvait entendre la voix de l'autre. Un bon nombre d'informations non-verbales se transmettaient alors («tu viens de te lever » . « es-tu malade? », « je te dérange là! », etc.). Le clavardage est beaucoup plus anonyme. L'internaute peut y afficher la photo de son choix, jusqu'à ne pas se montrer (d'où problème d'identité parfois), ses émotions, ses sentiments sont évacués. il ne reste que le fond de son propos, ce qui permet d'affimer que le clavardage se situe plus près soit de l'information, soit de la littérature, car la mise en forme du message ne peut vraiment s'appliquer qu'à ces dimensions du texte, à moins de reproduire des pages du dictionnaire. Un décalage presque incontournable vient ponctuer les échanges. Malgré tout, le clavardage demeure une brique de plus dans l'instauration d'un « cocooning intégral » dans notre civilisation. Bientôt, si ce n'est déjà fait, il sera réellement possible de vivre en tout temps dans sa demeure tout en ne rencontrant à peu près personne. Les besoins vitaux facilement comblés, la socialisation de l'individu pourra se faire par le biais de la fibre optique, il pourra ressourcer sa spiritualité sur des sites religieux et construire ses loisirs en choisissant des acitivités sur un menu à la carte, directement sur écran tactile. Que ce soit dans le cadre d'un noyau familial traditionnel ou sous toute autre forme, la vie peut potentiellement se présenter comme un acte solitaire ou en très petite cellule. Au fond, nous entrevoyons peut-être là la solution aux problèmes d'un environnement souillé, quand nous devrons pressuriser nos maisons et nos édifices afin de nous protéger des contaminants et des matières toxiques que la biosphère n'arrivera plus à absorber et que le simple fait de vouloir prendre une bière entre copains nous obligera à enfiler d'inconfortables combinaisons de protection (normal, elles seront fournies par nos gouvernements, peut-être par le régime de Harper III) et de subir le processus de décontamination quatre fois pour une même sortie. Nous préférerons peut-être danser devant des écrans qui refléteront les images de nos convives. Mais la drague, elle, deviendra-t-elle uniquement virtuelle?

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